Sex & The Book / Thérèse et Isabelle, passion charnelle et amour interdit entre clandestinité et homosexualité

Fille illégitime d'une bonne et d'un riche bourgeois qui ne voulait pas la reconnaître, Violette Leduc est née à Arras le 7 avril 1907 et a été élevée par sa mère dans un climat rigide et claustrophobe, confinant au morbide. Sa passion littéraire prend forme au collège de Douai, mais aussi celle de sa camarade Isabelle P. et, plus tard, de la professeure de musique Denise Hertgès, qui est licenciée lorsque leur relation est découverte. Après avoir déménagé à Paris, Violette n'a pas réussi ses examens finaux et a commencé à travailler comme secrétaire dans une maison d'édition. Grâce à l'heureuse rencontre avec Maurice Sachs et Simone de Beauvoir, tous deux frappés par son talent, il fait ses débuts en 1946 avec le roman Asphyxie, apprécié par les écrivains les plus importants de l'époque. En 64, il faillit remporter le prestigieux Prix Goncourt avec ce qui deviendra bientôt son plus grand succès, l'autobiographique La Bâtarde.

"Tu me fuis," dit-il.
Je regardais dans le miroir ses mains réunies sur son pubis, j'éprouvais un plaisir solitaire.
« Tu ne te déshabilles pas comme moi ? demanda Isabelle.
Je serrais son genou, me regardais dans le miroir, m'aimais dans son regard.
« Ne vous occupez pas de moi, dit Isabelle.
Je me détachai du miroir : le sexe des douces profondeurs. Mais le miroir m'attirait, me demandait des caresses plus solitaires. J'ai caressé les lèvres et l'entrejambe d'Isabelle avec son doigt.
Je sentais le poids du plaisir entre mes cuisses.
"Qu'est-ce que tu fais?"
"Dors un instant."
« Je me demande si tu m'aimes, dit Isabelle.
Je ne voulais pas répondre oui.

Le roman largement autobiographique Thérèse et Isabelle, dont est tiré le passage, raconte l'histoire de l'initiation amoureuse de la jeune protagoniste Thérèse (prénom de Violette) par sa camarade d'école Isabelle, ladite Isabelle P.

L'ouvrage était en fait le premier chapitre d'un roman plus vaste, Ravages, publié en 1955 chez Gallimard dans une version censurée et avec de gros découpages comprenant, justement, toute l'affaire collégiale. La relation entre Thérèse et Isabelle - faite de rencontres clandestines dans le dortoir, entre les salles de classe, dans des chambres d'hôtel à la promiscuité - était décrite de manière si détaillée et explicitement charnelle qu'elle faisait sensation. C'est Simone de Beauvoir elle-même qui invita Leduc à un travail d'autocensure avant de proposer le manuscrit à Gallimard. Mais la révision de Violette n'a pas suffi : « Si on le publiait tel quel, le livre ferait scandale », écrit Lemarchand, l'éditeur. Certaines pages de Thérèse et Isabelle, bien que modifiées, ont été acceptées La Bâtarde, mais il faudra attendre 2000 pour enfin pouvoir lire cette histoire splendide et poignante en version intégrale.

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La scène rapportée se déroule dans la chambre sordide d'un hôtel à l'heure où Isabelle traînait Thérèse, lasse de devoir chuchoter entre les rideaux du dortoir. Cependant, l'évasion, bien que temporaire, est vécue par les filles d'une manière qui est tout sauf libératrice. Thérèse remarque un trou dans le mur et est convaincue que quelqu'un les espionne. La panique s'empare d'elle et ils décident de partir. Avant que cela n'arrive, cependant, les deux filles commencent à s'aimer devant un miroir. C'est ce moment, où Thérèse observe la nudité d'Isabelle se refléter et la pousse à se toucher devant elle, à révéler toute la solitude dont cette passion est empreinte, le besoin qu'a Thérèse de devenir Isabelle et de se fondre avec elle pour pour se retrouver enfin.

L'amour décrit par Leduc avec des mots puissants et nerveux, dans un style tendu, lyrique et visionnaire, est l'amour impossible de la fusion totale, un amour imprononçable fait de haine et de secrets, de peur d'être découvert, de jalousie et de désir de mort. C'est l'amour pour son propre double, l'amour pour le miroir. Isabelle est Thérèse et Thérèse est Isabelle. Quand ils se rencontreront dans le monde et seront capables de dire qui ils sont, ils cesseront d'aimer de cette façon. Pourtant, j'en suis sûr, ils continueront à rêver. Qu'est-ce qui, si ce n'est le premier amour, nous a fait nous sentir immortels ?

par Giuliana Altamura

Photo d'ouverture du film "Thérèse et Isabelle"

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La couverture du roman de Violette Leduc